Vent de crise au Rassemblement National. Dimanche, le parti s'est vu privé officiellement de 2 millions d'euros de subvention publique, saisis par la justice dans le cadre de l'affaire des assistants présumés fictifs d'eurodéputés FN.
Le RN devait recevoir lundi, comme d'autres partis politiques, une avance de la moitié de l'aide publique de 4,5 millions d'euros par an à laquelle il a droit. Une aide calculée sur les résultats aux législatives de 2017, et dont le versement a pris du retard: le gouvernement avait promis une avance représentant la moitié de la somme. Le RN n'y a pas droit: une annonce qui a provoqué l'ire de la présidente du Rassemblement National.
Dès dimanche soir, Marine Le Pen a crié à "la peine de mort à titre conservatoire" appliqué à son parti. "Fin août, il n'y a plus de Rassemblement National", martèle-t-elle. Selon Marine Le Pen, son parti vit déjà sur ses économies depuis 6 mois. Un appel aux dons a été lancé en urgence dès dimanche soir. Lundi, il a recueilli environ 50.000 euros, sur les 350.000 dont il a besoin pour se financier d'ici à la fin août.
"Nous avons très peu d'argent"
Contacté par BFMTV.com, le trésorier du parti, Wallerand de Saint-Just, est formel: "tout peut s'arrêter à la fin de l'été, et même avant. Je peux retarder certaines dépenses mais d'autres, comme les salaires ou le loyer du siège, sont inéluctables. Si je n'ai pas l'argent pour les payer, je dois déposer le bilan". Cette subvention était attendue avec impatience depuis février. Elle devait assurer une partie des dépenses du RN jusqu'à novembre 2018, affirme Wallerand de Saint-Just, qui refuse par ailleurs de dévoiler l'état actuel des comptes du RN. "Nous avons très peu d'argent", se contente-t-il de répondre.
Le RN, ex-Front National, fait face depuis quelques mois à d'importants problèmes financiers. En novembre 2017, sa banque la Société générale a décidé de fermer les comptes du parti, et le nombre de voix récolté aux législatives de 2017 a été moins important qu'en 2012 (500 000 de moins) – ce qui signifie que la subvention a été amoindrie par rapport à celle de 2012, en l'occurrence d'environ un million d'euros. Face aux difficultés à contracter des emprunts, le RN a également lancé un "emprunt patriotique".
"Le problème, c’est que c’est un parti qui a traditionnellement des difficultés à trouver des crédits bancaires à court terme, en tout cas en France", remarque le politologue spécialiste de l'extrême droite, interrogé par Franceinfo. "Il manquera de solutions pour obtenir des banques des prêts relais et aura très certainement des difficultés à payer ses fournisseurs". De quoi mettre en danger le RN face à ses prochaines échéances électorales, notamment les européennes de 2019.
Les partis ne sont pas des entreprises
La situation est complexe. Mais pour René Dosière, spécialiste des finances publiques, la fin proche du RN paraît improbable. Il s'appuie notamment sur les comptes du parti déposés en 2016, et disponibles en ligne au nom de la transparence de la vie publique: "les comptes montrent que le FN a en 2016 un budget de l'ordre de 12 millions d'euros, dont 2,4 millions qui viennent seulement des cotisations des adhérents", remarque-t-il. L'ancien député nuance également les problèmes financiers du RN: "ce n'est pas le seul qui subit des difficultés", rappelle René Dosière, qui cite par exemple le PS, forcé de licencier du personnel et de vendre son siège de Solférino pour maintenir ses finances à flot.
Par ailleurs, les partis politiques sont des associations à but non lucratif, et à ce titre ne peuvent faire faillite comme des entreprises: dans la Ve République, ils ont été maintes fois menacés de banqueroute mais cela n'a jamais eu lieu, croit savoir un professeur de droit constitutionnel interrogé par BFMTV.com. "Ils peuvent être diminués, vidés de leur personnel, ils peuvent choisir de se refonder en une nouvelle association. Mais les dettes, elles, ne disparaissent pas et suivent les fondateurs". Et en matière d'endettement, le RN a de quoi faire: pour la présidentielle et les législatives, il a emprunté notamment 9 millions d'euros à une banque russe, ainsi que 6 millions à Jean-Marie Le Pen
L'avenir promet donc d'être compliqué pour le Rassemblement National.
Par Ariane Kujawski le 09/07/2018